Retour sur les événements en mai

Les équipes SigiAl s’étaient bien occupées en ce mois de mai. Entre les ponts, nous avons fait une journée de collecte aux Archives de la Ville et d’Eurométropole de Strasbourg (AVES). C’était notre 5e journée de collecte là-bas, et nous avons poursuivi la collecte des sceaux dans la série dédiée aux chartes, CH. A la fin de la journée, nous sommes arrivés jusqu’à l’année 1346 – pas très loin de notre Objectif 1350 ! Parmi les trouvailles de la journée sont beaucoup de sceaux de ville (Strasbourg, Bâle, Fribourg-en-Brisgau, etc.) et le retour de la cire pailletée chez l’Officialité de Strasbourg. Rendez-vous sur la base SIGILLA pour découvrir toutes ces nouveautés !

Ensuite, le 23 juin a eu lieu une conférence donnée par Thomas Brunner sur les sceaux d’Erstein. A partir d’un corpus de 74 empreintes de sceaux, nous avons découvert les grandes étapes de l’histoire ersteinoise – notamment quand la ville a passé en possession entre seigneurs. Avec une trentaine de personnes, M. Brunner a fait le tour des sceaux remarquables ce qui inclut le sceau de la ville d’Erstein lui-même. Un sceau en scutiforme, ce choix de forme était peu habituel en général, mais semble d’être à la mode en Alsace autour de l’année 1300.
Nous remercions les archives municipales d’Erstein pour l’occasion d’étudier ces sceaux et de présenter notre projet dans le cadre de cette conférence.

Suivez bien nos actualités, nous sommes en train d’organiser une journée de collecte à Erstein afin de terminer la collecte sur place.

Le sceau du cardinal de Zollern (1582-1625). Une curiosité sigillographique des archives d’Obernai

  • Jacques FRITSCH
Cardinal Eitel Friederich von Hohenzollern-Sigmaringen, document wikipédia.

Eitel Friedrich von Hohenzollern-Sigmaringen est un ecclésiastique et diplomate de la Contre-Réforme allemande. D’origine impériale et consciemment catholique1, il reçoit les ordres mineurs à l’âge de six ans et devient en 1600 chambellan privé du pape. Chanoine à Cologne en 1610, prévôt de la cathédrale de Magdebourg en 1612, il est en 1618 chanoine et prévôt à Strasbourg2. C’est à ce titre que nous le trouvons dans les archives d’Obernai.

Il devient l’un des principaux conseillers de l’électeur Ferdinand de Bavière3 et le représentant de la politique de Cologne auprès du monde extérieur, en même temps qu’un confident officieux du pape dans l’Empire. Nommé cardinal sur proposition impériale par le pape Paul V en janvier 1621, il ne reçoit le titre qu’en novembre de la même année, des mains de Grégoire XV. Il est installé, en décembre, comme cardinal-prêtre de San Lorenzo in Panisperna4. Élu prince-évêque d’Osnabrück le 18 avril 1623, il devient le premier évêque catholique du diocèse depuis 1574 et commence à mettre en œuvre de vastes réformes, qui seront poursuivies après sa mort le 19 septembre 16255.

Le sceau

L’empreinte, recensée par le groupe SigiAl aux Archives de la ville d’Obernai, est attachée à une charte dans laquelle le cardinal-prêtre concède à Jean Boncenat, clerc du diocèse de Strasbourg, la custorie (dignité de custos/custode/trésorerie) de la collégiale Saint-Léonard de Bœrsch, qui était vacante par libre résignation6.

Le sceau, de forme ovale et de type héraldique, nous montre, sous le chapeau de cardinal, insigne de sa fonction, un écu écartelé : aux 1 et 4 le blason des Hohenzollern, en 2 et 3 deux sceptres croisés, qui rappellent son impériale ascendance, avec sur le tout la roue d’Osnabrück, symbole de la principauté épiscopale.

Légendé de la façon suivante :

S.IT.FRID.D.G.S.R.E.CARD.DE.ZOLLEREN.EP.OSNABURG

La légende transcrite nous donne :

S[igillum]. IT[eli]. FRID[erici]. D[ei]. G[ratia]. S[ancte]. R[omane].

E[clesie]. CARD[inali]. DE. ZOLLEREN. EP[iscopi]. OSNABURG

Ses dimensions sont 25 x 33 mm, sur un carré de papier d’environ 57 x 59 mm.

La particularité, et ce qui fait la curiosité de cette empreinte, réside dans son mode d’apposition : un sceau plaqué sous couvert, mais appendu à la charte par une double queue, contrairement à l’usage le plus fréquent de ce type de sceau qui se trouve, en général, apposé sur le document.

Vue de la collégiale Saint-Léonard au 18ᵉ siècle. Collection privée.

Sources et notes 

  1. Il s’agit de la branche catholique de cette famille. ↩︎
  2. Il est chanoine de Strasbourg à partir de 1602 et ce jusqu’à sa mort. Henneresse Dominique : Les illustres chanoines de la cathédrale de Strasbourg – Histoire, costumes et insignes – La Nueé Bleue – 2022, page 174. ↩︎
  3. Ferdinand de Bavière 1577-1650, prince évêque de Paderborn, Hildesheim, Münster et Liège, est aussi archevêque de Cologne, prince électeur et prince abbé de Stavelot-Malmedy. ↩︎
  4. L’église de San Lorenzo in Panisperna est une église située dans la via Panisperna. Elle est dédiée au diacre Laurent de Rome qui a été selon la tradition martyrisé sur ce site au IIIe siècle. L’église abrite depuis 1517 le titre cardinalice de San Lorenzo in Panisperna. ↩︎
  5. Penners (Théodore), Neue Deutsche Biographie, (1959), page 424. URL: https://www.deutsche-biographie.de/pnd118064479.html#ndbcontent ↩︎
  6. Boncenat (Jean) : vicaire de Saint-Dié, chanoine de Saint-Léonard, il est curé de Boersch de 1636 à 1653. Il décède le 13 août 1653. Kammerer Louis : Répertoire du clergé d’Alsace sous l’Ancien-Régime, 1648-1792, Strasbourg, 1985. ↩︎

Cartographies du projet SigiAl à trois ans d’écart

Les différentes journées de collecte et le travail individuel des bénévoles du projet SigiAl ont permis de dépasser les 12.500 empreintes de sceaux, dans leur grande majorité médiévaux, conservées en Alsace. Depuis le début du projet, nous avons eu à coeur, malgré l’abondance de sceaux présents à Strasbourg, de couvrir l’ensemble des deux départements alsaciens et de mettre notamment à l’honneur les archives municipales, dont les fonds sont souvent moins connus et moins bien exploités que ceux des grands dépôts. Les deux cartes ci-dessous permettent de voir l’ampleur de la tâche déjà réalisée depuis trois ans, quand la première avait été élaborée pour une présentation à Bruxelles. Elles montrent le déploiement de notre action de collecte à travers toute la région.

En mai 2022, 15 dépôts d’archives avaient été visités et pour certains à peine découverts avec seulement une poignée ou quelques dizaines d’empreintes saisies, même si les grands dépôts strasbourgeois et les AM de Mulhouse étaient déjà bien avancés et constituaient l’essentiel de nos saisies.

Trois ans plus tard (chiffres du 18 mai 2025: chaque jour demanderait une révision de la carte), nous sommes passés à 23 institutions (en y incluant les Generallandesarchiv de Karlsruhe), avec notamment une densification de notre collecte dans le Haut-Rhin (à Altkirch, Cernay, Munster et Rouffach traités intégralement). Mais même dans les archives qui nous avaient accueilli depuis le lancement du projet, l’intensification de la collecte est patente: les sceaux des AD 67 [Archives d’Alsace, Strasbourg], des AVE Strasbourg et des AM Mulhouse ont à chaque fois plus que doublé. Les dépôts colmariens, auparavant peu explorés, commencent enfin à être présents de manière visible dans la base Sigilla. On ne remerciera jamais assez les bénévoles qui ont rendu tout cela possible.

La quête est pour autant loin d’être achevée! Des milliers de sceaux, tapis dans les cartons d’archives, attendent encore d’être photographiés, décrits, analysés! Que les amateurs d’histoire et de patrimoine d’archives n’hésitent pas à rejoindre, même ponctuellement, l’aventure!

Quelques histoires insolites de la collecte alsacienne

Depuis fin 2019, le projet SigiAl a collecté jusqu’à présent plus de 12 500 empreintes de sceaux. Un exploit incroyable ! Ces sceaux sont conservés aux archives diverses de le région d’Alsace : de Wissembourg jusqu’à Altkirch. Mais avec un tel nombre de sceaux, est-ce qu’il reste des surprises à découvrir ? On pourrait vite penser que tout a déjà été vu, qu’il ne reste que des cas standards et bien sûr quelques centaines de sceaux de l’Officialité de Strasbourg. Mais je vous assure que chaque empreinte est unique et la collecte se poursuit dans le très grand intérêt des participants. Voici quelques histoires insolites issues de notre collecte !

Un cas de figure bien récurrent : une empreinte avec une attache en simple queue parisienne ne se trouve que sur un document sans repli. Mais non ! L’acte 24 H 10 / 13 / 1 [1278] des Archives d’Alsace, site Colmar est l’exception de cette règle. On reconnaît facilement le repli qui mesure 10 mm en hauteur. Mais quand on le regarde en détail, on voit que ce repli est compris de deux parties avec un petit nœud qui attache les deux sceaux pendants. En fait, il s’agit des attaches simples queues parisiennes qui ont été plié dans un repli. Une version occidentale de l’origami diplomatique ?

L’Officialité de Strasbourg : un sceau bien connu par tous les membres du projet et des amateurs de sceaux. Longtemps pensé de ne pas avoir changé de matrice pendant des siècles, Yann Franchet a exploré les empreintes et a trouvé les différences qui permettaient d’identifier 17 sceaux types (jusqu’à présent). Autre surprise lors de notre collecte, dans les années 1339 – 1341, quelques empreintes rouges de l’Officialité sont faites d’une cire pailletée. Nous ne croyons pas nos yeux lors de la journée de collecte aux Archives de la Ville et d’Eurométropole de Strasbourg (AVES). La raison pour cette cire « spéciale » reste à être découverte.

Est-ce que la chancellerie qui écrivait les chartes se souciait de la bonne conservation d’un grand sceau sur un petit document ? Bien sûr, mais jusqu’à quel point ? Au point de coudre un petit point de suture pour renforcer la simple queue de l’acte 9 G 11 / 1 des Archives d’Alsace, site Colmar.  Le sceau de l’abbé de Murbach Berthold II de Steinbrunn mesure 55 mm en hauteur et est apposé sur un document d’une hauteur de 70 mm. L’astuce a bien marché, nos équipes ont pu numériser ce sceau toujours pendant sur son document.

Voilà trois histoires parmi beaucoup ! La collecte nous permet de découvrir des trésors secrets. Rendez-vous sur la base SIGILLA pour feuilleter tous les sceaux alsaciens numérisés jusqu’à présent.